Marseille (AAP) - Quelque part ça commence au jour de l’an. Quant au cours de l’échange de vœux, entre la poularde aux morilles et le jambon fumé au foin, quelqu’un demande :

- Tu fais quoi cette année ?
- Cette année ? Je vais au tournoi !
- Le tournoi ? Quel tournoi ?

Celui ou celle qui se hasarde à poser cette dernière question, se voit aussitôt gratifié(e) d’un regard dédaigneux qui semble dire à l'ignorant en titre : « Hey, maraud, faut sortir un peu d’ta grotte … »
C’est pour dire que la renommée du tournoi – qu’on peut appeler à présent le tournoi des Suisses - n’est plus à faire.

Celui de cette année aura rassemblé pas moins de 114 participants. Faune hétéroclite qui a vu se côtoyer bourgeoises en mal d’aventures et malandrins rodés aux mauvais coups, nobles endimanchés et gueuses en guenilles parfois mal odorantes, soudards ou saoulards autant que pucelles rêvant de ne plus l’être et insolentes aventurières. La routine quoi.

Ils avaient pour certains, parcouru des lieues – à pied, à cheval , voire en bateau depuis l’Anjou ou la Provence et même Modène et Florence. Accents se mélangeant au son des bières s’entrechoquant dans un joyeux brouhaha résonnant jusque tard dans la nuit dans les venelles fribourgeoises.

Ces hommes et femmes avides d’en découdre ont rejoint dans la soirée du 19 mars les sombres forêts autour de Morat sous une bise glaciale.

Et dans cette longue file allant gaiement se faire refaire le portrait, on a pu croiser des figures connues d’habitués de cette manifestation incontournable de nos royaumes autant que des novices, ou des désœuvrés.

C’est avec le soleil du printemps qu’ils nous sont revenus le mercredi 24. Un peu crasseux, un peu démolis, un peu morveux ou au contraire la plume au chapeau, fiers comme un paon qui vous filerait un trophée direct.

Ce tournoi-là aura été marqué par les délations pittoresques d’un ou plutôt deux corbeaux puisque les soupçons se sont très vite portés sur Leamance et Azharr -. Quelques rimes douteuses autour des noms des protagonistes d’une marave programmée ont en effet été envoyées de façon anonyme. De quoi faire frissonner d’excitation, de peur ou de rage les belles, et maugréer ceux à qui on promettait d’amputer un morceau de leur anatomie.

Il aura eu également sa gazette, mêlant potins parfois des plus grivois - année oblige - aux questionnaires des participants qui se sont gentiment et souvent avec brio, prêtés au jeu.

Si certaines bourses se sont vidées au cours des deux nuits d’affrontements, imaginez qu’au départ, au plus profond des bois, ce n’est pas moins de 5000 écus au total qui sonnaient et trébuchaient d'impatience au fond des escarcelles de ces aventuriers du moment.

C’est le duché d’Orléans qui fut mis à l’honneur en cet an de grâce 1469 avec la victoire de Petit Lou et Drack Jacquames, qui ont comptabilisé 5 victoires contre 3 défaites.
Venaient ensuite ex aequo : Lucio Sestio et Breeanna de Modène et Florence : 4 victoires, 3 défaites ainsi que les Valaisans Lucas De Minestrol et Neridah : 4 victoires, 3 défaites et enfin Helvalia et Tafar de Limoges avec 3 victoires.
La palme du cran revient sans aucun doute à Eudoxie d'Orthez, qui a poursuivi seule avec courage, après avoir été abandonnée pour le second tour et qui n’a donc pas à rougir de ses 4 dérouillées tête haute.

De retour à la ville, alors que chacun songeait déjà à reprendre sa route, on pouvait entendre encore les récits épiques des exploits des uns ou déconfitures des autres résonner entre les murs des tavernes.

Et alors que les cloches de Pâques retentiront bientôt, cette fois, c’est en échangeant quelques de recettes de gigot d’agneau qu’on rêvait déjà de récidiver :

- Tu fais quoi l’année prochaine ?
- Bah, j’y reviens fichtre !
- Au tournoi ?
- Au tournoi ! Quoi d’autre hum ?

Rendez vous l’an prochain. Et que vive la Suisse !


Kachina pour l'AAP agence Meuse, Saône et Rhône

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