Paris (AAP) - Il y a quelques semaines, Lephil vint frapper à la porte de l'AAP. Ce jeune homme haut en couleurs, aux aventures diverses et plus ou moins recommandables, tour à tour frappé de traîtrise, gracié, coulé, conseiller ; filleul énergique de la respectable Donà Paquita, maigre comme un clou, chevelu comme un fou ; ce jeune homme, disions-nous, est venu nous présenter du même coup un visage ensanglanté et un « escoupe des familles », ce qui dans la parlure lephilienne signifie des révélations exclusives.

S'il n'est plus de première fraîcheur, ce scandale, c'est parce que nous avons voulu enquêter dessus avant de publier quoi que ce soit. Las, le journaliste souvent se heurte à un mur de silence ! Nous n'aurons pas la version de la duchesse ni des délégués de la Couronne, à moins que le droit de réponse soit moins boudé que notre pigeonnier.

Alors, pourquoi le Phil était-il tout sanguinolent quand il est venu nous voir, dans feu l'accueil de nos bureaux ? Tentative de meurtre, nous dit-il, par nul autre que le porte-parole du conseil, époux de la duchesse, Henry de Bavière. Ce qu'il nous explique, c'est que la Guyenne est en pleine crise financière, perdant environ deux mille écus par jour. La soeur du Phil, Susi Niraco, conseillère extraordinaire, aurait alerté les dirigeants plusieurs fois sans succès. Quant à sa fiancée Faya, Commissaire au Commerce, elle a été chassée de son bureau pour une vérification des comptes. Chamboulée qu'on la suspecte, à tort manifestement puisque rien n'a été trouvé dans le bureau, elle a donné sa démission. Et la tentative de meurtre, alors ? Maintenant que le contexte est posé, laissons la victime nous la raconter :

« Donc au matin au conseil, on causait d'ça et ça chauffait un p'tit peu t'imagines. Et v'là qu'sans crier gare l'porte parole Henry de Bavière, mari d'la Duchesse, m'fonce dessus et PAF ! Coup d'boule ! Vé mon tarin comme y m'la mis! Pis y traite not' mère d'fille de joie et tout un tas d'vacheries dégueulasses. Genre plus vulgaire qu'un putain d'garde chiourme aviné qu'aurait appris à causer en lisant des parchemins à latrines usagés, t'vois genre un peu ? Ensuite y choppe une lance et m'menace d'me tuer. Heureusement Susi s'a interposée d'vant la lance. Merci frangine j'te dois la vie ! »

A la suite de l'incident, survenu au château, Le Phil a « tout déballé à la gargote ». Selon lui, pire que la violence physique dont il fut l'objet, le scandale réside surtout dans le secret dans lequel était gardée la situation économique du duché. Il en a donc appelé à des solutions durables, à la recherche de bons économistes pour redresser le duché, selon ce qu'il estimait son devoir de conseiller bien qu'il encourait une peine de prison pour avoir exposé des données sensibles du conseil.

De manière prévisible, il a perdu son poste de procureur ainsi que celui de chef de port. Pendant qu'il conviait le porte-parole en lice pour laver l'honneur de son « tarin esplosé façon fraise trop mûre », la duchesse, Fleur de Bavière, annonçait l'arrivée en Guyenne de sa Grâce Valeria de Castel Gambiani de Valros, Cheffe Surintendante des Finances du Royaume de France, pour la réalisation d'un audit afin d'aider le duché à sortir du marasme économique dans lequel il se trouvait. Quand nous avons demandé à la Surintendante si elle pouvait confirmer ou infirmer la gravité de la situation, nous n'avons pas obtenu de réponse, aussi devons-nous demander au lecteur de se faire son opinion sur les données à disposition en attendant un compte-rendu officiel.

Le mandat de Fleur de Bavière a pris fin, et elle a été reconduite immédiatement en l'absence de liste concurrente. Comme cela est souvent d'usage à l'issue d'un mandat ducal, elle a fait la demande d'un fief de retraite. Ce qui est moins courant, c'est qu'une telle demande se fasse dans un contexte si tumultueux et économiquement instable, et la rapidité avec laquelle la demande a été faite, immédiatement à la fin du mandat, a été mal perçue par certains habitants. Une demande de saisine a alors été déposée par Liam César de Nève-Cassel pour contester l'attribution du fief. Si vous ignorez, comme nous avant cet article, ce qu'est une demande de saisine, il s'agit de la possibilité pour chaque habitant ou noble de la Province de contester l'octroi d'un fief de retraite auprès de la Pairie. La demande a été jugée recevable par la Très Noble Assemblée des Pairs de France et l'enquête est en cours. L'avis n'est pas encore connu mais sa publication devrait être imminente.

Dans cette demande de saisine dont nous avons reçu une copie, Liam César de Nève-Cassel apporte des éléments plus précis sur la situation économique du duché, faisant état d'un déficit quotidien de 1500 à 2000 écus. Il rapporte également que la duchesse serait « restée de marbre face à une tentative de meurtre de la part de son époux », événement raconté plus haut, et fait part de son inquiétude vis-à-vis de la gestion de l'éventuel fief et de ses habitants par la duchesse, quand elle ne sera pas surveillée par autant d'institutions que lors d'un mandat ducal.

Quand nous avons contacté Liam César, il nous a rapporté un autre incident en Guyenne, qui montre selon lui que le duché « évolue vers des sentiers sans queue ni tête ». Le navire de son oncle Théodule de Cassel, une cogue de guerre amarrée à Blaye depuis trois mois, ayant permis à plusieurs habitants d'emménager en Guyenne, est visé par une annonce ordonnant son coulage. En juin 1471, le duc Arnaud Giboint avait en effet publié une annonce demandant que la cogue "CC Orange Commander" soit envoyée par le fond, pour acte de piraterie, mais il ne s'était rien produit depuis. Volonté louable de zèle face à un ordre donné l'année précédente pour lutter contre la piraterie, volonté de vengeance face à l'oncle du demandeur de la saisine qui semblait s'être racheté par ses actions envers Blaye, difficile à dire. En tout cas, Liam César, Théodule et Lephil sont en train de s'allier pour établir une liste d'opposition à la duchesse Fleur de Bavière et ses partisans pour les prochaines élections.

Arnauld, pour l'AAP

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Article validé par Arnauld Cassenac, Rédacteur en Chef de la KAP France.
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