
Genève (AAP) - Parce qu'un peuple sans histoires est un monde sans âme, nous inaugurons aujourd'hui une vaste rétrospective des grandes batailles ayant marqué nos royaumes. Nous débutons cette série avec la bataille de Chalon, le 5 juin 1463. Les contributions futures sont les bienvenues.
L'année 1463, le 5 juin tombait un vendredi. Ce vendredi est le jour du poisson. J'ai connu des pêcheurs qui tremblaient encore un peu lorsque le mauvais temps les forçait à rentrer bredouilles du Lac un vendredi : ils sentaient sur eux la colère de bobonne. Ce vendredi-là fut aussi un jour de fracas bourguignon. La scène se déroule à Chalon, près d'un pont d'une importance capitale. Ce pont, ainsi que la chaussée qui le prolonge vers Mâcon et la Savoie au sud, permettaient de franchir la Saône en venant de l'Empire. Tous les acteurs, grands et petits, célèbres ou anonymes, sont pris dans un entrelacement de solidarité, enchevêtrés, qui tissent entre eux les mailles d'une très étroite cohérence. De toute la chevalerie, groupée derrière chaque bannière dans le camp français comme de l'autre côté, c'est celle des Ordres Royaux que l'on distingue le mieux : elle fournit la plus grande part des étoffes miroitantes et précieuses très à la mode de Paris. Quelques figures émergent, le Grand Écuyer de France, Prince et Pair du Royaume, Julien Giffard dit Jglth, la Grand Maître de France et la rousse Marquise de Maurepas, Zelha d'Aunou.
À l'aube du lundi 2 juin, devant les murs de Chalon, les hostilités ont déjà commencé. L'armée "Maudificator", commandée par Maud Saint Anthelme, vicomtesse de Sennecey, et ses quarante-six volontaires nobles et roturiers bourguignons ont subi l'assaut de l'armée impériale "1. badisches Banner", dirigée par Markart, Edler von Thalheim. Quarante-quatre soldats badois de Bade, venus de Poligny, combattent avec une réputation remarquable pour leur efficacité et leur brutalité. Ils se battent à pied, en bande compacte, formant une phalange dense comme seuls peuvent le faire ces professionnels de la guerre où le sang coule. L'affrontement est bref. Du côté bourguignon : huit blessés, dont trois mortels ; du côté impérial : huit blessés, dont un mortel. Les hommes de l'Empereur refluent vers Poligny.
À l'aube du jeudi 4 juin, ils sont de retour, accompagnés et mécontents. Au total, cent dix hommes sont répartis en trois batailles. L'armée "Knochenjäger", dirigée par Rilana, Edle von Connacht, Imp.Gräfin von Hanau-Münzenberg. Elle est jeune, brune, elle aime les oies et les petits lapins, elle vient de Konstanz et il ne faut pas l'importuner ; l'armée "viribus unitis", dirigée par Advokat, Heer van Steengracht, Landgraf vom Oberelsass, est une sorte de faux régional de l'étape : il porte les couleurs de la Franche-Comté mais définitivement, il est de Ravensburg et parle couramment le Hochdeutsch ; enfin, l'armée "1. badisches Banner", dirigée par Markart. Du côté français, en première ligne, l'armée "Maudificator", commandée par Maud Saint Anthelme, vicomtesse de Sennecey, aligne ses quarante-neuf hommes, dont le Grand Maître de France, qui porte la cotte de mailles avec l'élégance d'un maillot de corps humide. En seconde ligne et venant de Dijon, l'Armée des Ordres Royaux dirigée par Jglth, la crème de la chevalerie française, trente-sept cataphractaires, véritables centaures caparaçonnés de la tête aux pieds. L'assaut des premières lignes est viril : côté bourguignon, neuf blessés, dont trois mortels ; côté impérial, occis et blessés par la Maudificator, douze blessés, dont trois mortels. La poussière soulevée par la violence du choc voile d'une brume pudique le bilan du heurt des secondes lignes. On ignore les chiffres des blessés et des tués dans l'armée des OR ni ceux des blessés et tués qu'ils ont infligés aux reitres et lansquenets impériaux. Les assaillants sont repoussés vers Poligny, tout comme l'armée royale, qui se retrouve à un carrefour entre Dijon et Chalon, témoignant de la violence de l'ébranlement suscité. Le commandement de la Mauditicator passe entre les mains de Didier de Naphield, dict Dnapo, en sa qualité de baron bourguignon, survivant et accessoirement Maréchal de France.
Le vendredi 5 juin, à l'aube, la foule casquée et cabossée de près de cent impériaux se pointe à nouveau devant le pont de Chalon. Les mêmes soldats, les mêmes officiers. Du côté français, en première ligne, le baron Didier de Naphield dispose de ses trente-sept Bourguignons. En seconde ligne et revenant du carrefour entre Dijon et Chalon, vingt-sept chevaliers suivent le Grand Écuyer de France. Cette fois, Saint Bynarr laisse passer les Allemands. Du côté bourguignon, neuf blessés, dont trois mortels. Le commandement de la Maudificator passe entre les mains de Roland Wallere, dict Wolfar, seigneur de Tillenay. Le baron Dnapo est gravement blessé et c'est en morceaux qu'il est transporté à l'hospice voisin de Beaune. On ignore s'il était accompagné de la Grand Maître de France, réputée autant pour sa grâce que pour sa belle descente. Du côté royal, les OR dénombrent cinq blessés parmi les leurs. Les impériaux ont perdu treize blessés, dont trois mortels, repoussant les Bourguignons et les Français entre Chalon et Dijon, défilant aux portes de Chalon et reprenant la route de Bourg en Savoie où ils bivouaquaient le 8. Les prudhommes qui furent là témoignèrent qu'ils n'avaient jamais vu si belle bataille.
iZaac pour l'AAP agence des terres au Milieu
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