Genève (AAP) – Nu comme un ver, ou presque ! Un gueux vêtu d'une simple chemise, pieds nus, logeant sous un toit que la misère a troué, et n'ayant pour toute fortune qu'une lettre plus longue que le village n'a de têtes ! Voilà l'héritage qui nous échoit quand le destin nous fait naître bouseux.

BOUSEUX – Bouseux ? Que nenni, l'ami ! Je suis Matamore, l'invincible guerrier !

UN RUSTRE – Ha ! Soldat bravache, il te sied bien mieux de parader de récits que de prouesses ! Capitaine de fumée, dans un royaume où les batailles sont aussi rares qu'un poil sur la tête du vieux Mathieu.

BOUSEUX – Soit ! Scapin, alors, que je sois ! Astucieux valet, maître des stratagèmes, tisseur d’intrigues et fourbe par plaisir !

UN SAGE – Las ! Point de ruse ici ne trouveras-tu : nos Seigneurs de papier, ces tyrans sans heaume, ont gravé l’adage d’or : Pas de vague ! Depuis leurs salons feutrés, verrouillés par dix clefs et couverts de rubans, ils nous assomment de rapports et écrasent tout fol rêveur, tout lettré impertinent, reclus depuis des années dans un coin sombre.

BOUSEUX – Eh bien, je serai alors vieillard avare, crédule et coquet ! J’aimerai les belles de taverne et, en Arlequin virevoltant, je danserai, j’égaierai le monde, brigandant un peu pour vivre !

UN JUGE – Halte-là ! Lis ceci : Article 3 – Si un homme se montre brigand, pillard ou voleur, la justice lui infligera amende, calculée au montant des biens volés, augmenté de dix pour cent. L’estimation des objets se fera sur liste et le juge, en rendant son verdict, justifiera l’addition et la répartition entre complices. Voilà tes comptes, jongleur : conte ou calcul ?

BOUSEUX – Alors je m’abaisserai à servante, hardie et coquette, soubrette prompte à la réplique et aux réparties !

UNE MATRONNE – Malheureuse ! Songes-tu aux procès de diffamation ? La Grande Chancelante de France et d'ailleurs est là, veillant, prête à plaquer son droit pointilleux jusque sur les portes des tavernes. C’est un portrait bien triste que nous peignent ces scribes du monde doré, alourdis de logorrhée et de préjugés.

BOUSEUX – Qu’à cela ne tienne ! Je serai Princesse angélique, marquise d’un empire céleste !

UNE MARQUISE – Hélas, pauvre folle ! As-tu rencontré l’Héraulderie sur ton chemin ? Ces gardiens jaloux des titres et des blasons sont d’un zèle impitoyable. Quiconque prétend au Prédicat devra suer sang et larmes durant quatre ou cinq ans, arracher herbes folles au jardin, accumuler pourcentages et amendes, et conserver l’âme aussi blanche qu’un agneau, sans dire un mot qui ne soit approuvé et tamponné par l’autorité.

BOUSEUX – Puis-je au moins prétendre à l’évêché ?

UN CURET – Oh ! Misérable ! Sais-tu que la pastorale te liera six mois durant à des épreuves infinies ? Ou espères-tu entrer par faveur, en connaissant quelque chanoine ?

BOUSEUX – Eh bien ! Je me contenterai d’être curé de village, simple, petit, ou bedeau, humble, discret !

LE CHŒUR – L’Église et le Souverain surveillent leur domaine. L’investiture, ainsi est-elle nommée, se réclame de l’Atlantique à l’Oural, du hareng à la baleine. Pas une paroisse pour un rêveur ou un hérétique ! Veto ! Hormis peut-être à Genève, et puis Grandson, Fribourg, ou Solothurn, episcopatus Aventicum. Les prétendants se tourneront vers le Chancelier helvétique.

BOUSEUX – Rabat-joie ! Qu’importe, nul ne me ravira mes rêves ! Parce qu'il y a une chose que tu ne sais pas ami lecteur ! Ce jour-là ! Le jour où tout a basculé ! Le jour où l'Histoire a commencé. Et cette histoire est vraie, puisque je l'ai inventée.

À lire : International RP


Bouseux pour l'AAP agence des terres au Milieu

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