Genève (AAP) — En Suisse, ce pays où tout fonctionne à la perfection, sauf la démocratie, une joyeuse effervescence agite les couloirs feutrés du pouvoir. Figurez-vous que des esprits chagrins osent s’indigner parce que quelques missives, envoyées avec la délicatesse d’un douanier helvétique en plein contrôle de fromages étrangers, tenteraient de dicter aux maires qui ils doivent mettre sur leurs listes. Un détail administratif, bien sûr, à peine un léger excès de zèle, et certainement pas un abus de pouvoir.

Mais voilà qu’un groupe de trouble-fêtes, qui se fait appeler "RESISTANCE" – parce que "Pas contents" sonnait moins solennel – a décidé de s’opposer à cette brillante gestion. Leur manifeste, qui fleure bon le vieux romantisme révolutionnaire, accuse le Conseil suisse de transformer la politique en petit club privé où l'on entre sur cooptation et où l’on partage le gâteau entre amis bien placés. Ils menacent même de lancer plusieurs listes électorales concurrentes, comme si multiplier les bulletins de vote pouvait faire trembler ceux qui en comptent déjà les résultats avant l’élection.

Mais attention, ne croyez pas que l’affaire soit purement bureaucratique. Car derrière ces circulaires se cache une vérité bien plus suisse que le chocolat au lait : ce sont nos amis alémaniques de Schwyz, Lucerne et Soleure qui seraient derrière cette tentative de mise au pas. "Ma bannière rouge à croix blanche, c’est MA bannière ! Tu feras comme je te dis !" Voilà, en résumé, la philosophie qui semble animer nos compatriotes des cantons du zentrum. Et tant pis si la diversité cantonale est censée être une richesse : après tout, pourquoi faire simple quand on peut tout harmoniser à coup d’ordres venus d’en haut ?

S’inspirant du serment du Grütli – mais sans les capes et les torches, hélas – ces agités du suffrage appellent les citoyens à exiger un retour aux fondamentaux : une séparation stricte des pouvoirs, moins de petits arrangements entre copains et surtout, une université où la compétence l’emporterait sur Lordhammer. Il faut dire que l’Université suisse ressemble de plus en plus à une fondue où seuls les convives triés sur le volet peuvent s’asseoir. "Pourquoi toujours les mêmes noms aux postes-clés ?" se demande le Fribourgeois Frère Jacob.

Face aux cris d’orfraie des esprits échauffés, Echned, Landamann du canton de Schwyz, tente une réponse des plus placides. D’un ton qui évoque autant l’invitation à passer la panosse que la gestion d’une Confédération, il rappelle que le Conseil suisse des XII n’est qu’un modeste organe administratif. Pas de quoi en faire un fromage – même si, en Suisse, c’est souvent le meilleur moyen de faire passer les choses.

"Les prochaines élections du Conseil sont prévues autour du 9 avril", annonce-t-il comme on évoquerait un tournoi de jass. Le Conseil recrute donc des citoyens "volontaires et curieux" pour s’intéresser à la gestion de la Confédération, ce qui, vous en conviendrez, n’a rien d’une tentative de prise de pouvoir occulte. Chaque canton peut proposer quelqu’un, mais rien d’obligatoire.

Et pour rassurer ceux qui craindraient que l’appareil politique se transforme en club fermé, Echned précise qu’aucune compétence préalable n’est nécessaire. "Les membres expérimentés transmettent volontiers leurs connaissances", assure-t-il. Autrement dit : venez comme vous êtes, on vous expliquera la suite une fois sur place.

Alors, démocratie verrouillée ou simple souci de gestion bien ordonnée ? À chacun de juger. Mais une chose est sûre : pendant que certains crient à l’abus de pouvoir, d’autres rédigent des offres de recrutement façon atelier découverte. Lequel des deux camps est le plus dangereux pour la Confédération ? Affaire à suivre.

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Jean-Aristote Kaiser pour l'AAP agence des terres au Milieu

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