Nancy (AAP) — Le soleil peine à percer les brumes qui couvrent les plaines du duché, mais c’est d’une voix claire que le Commissaire au Commerce, messire Promether Erwin von Strass, a fait porter son cri au travers des collines et des bourgs.

Le pays lorrain, brave mais meurtri, ne compte plus que quatre-vingt-quatorze âmes vaillantes, serrées autour de son cœur battant qu’est Nancy. En ces temps de recul et de disette humaine, où dans tout le Saint Empire, de la Saône à la Meuse et du Rhône au Po, on voit ses foyers s’éteindre, la Lorraine résiste, les deux pieds bien ancrés dans sa terre de glaise et de sapins.

Pour maintenir ce souffle de vie, le bon gouvernement ducal lance appel à ses enfants et voisins. « Nous cherchons teintures pour relever nos étoffes, pots pour nos herboristes, bois pour nos échoppes, et peaux et laines pour vêtir ce qu’il nous reste de monde », proclame l’annonce, accrochée sur le mur de la halle de Nancy.

Les doses de colorant, vendues 2 écus et demi, sont ardemment convoitées. Le duché s’échine à préserver l’éclat des tuniques de ses notables plus nombreux que ses gueux. Quant aux pots de culture neufs (12 écus), ils sont destinés aux quelques botanistes encore vaillants, artisans de la couleur et du soin. Le bois, l’indispensable, est attendu à 3,6 écus la stère, pour nourrir les forges et charpenteries. Et si d’aucuns possèdent peaux ou laines (respectivement 12 et 10,5 écus), qu’ils sachent que le duché est preneur. En revanche, le blé et le maïs n’ont point cours ces jours-ci. La terre a donné, mais les ventres sont peu nombreux à remplir.

Le duché ne tend pas que la main. Il offre aussi. Dans les entrepôts du palais, les seaux neufs s’entassent (35 écus pièce), tout comme les petites échelles (20 écus), les chausses bien taillées (30 écus), et les quintaux de pierre, vendus 14,5 écus – avec promesse d’une ristourne pour qui viendrait en chercher bonne charretée.

Les pigeons voyageurs sont appelés à la tâche : Tout bourgmestre, artisan ou marchand ambulant qui voudrait faire affaire, qu’il nous envoie un pigeon ! Qu’il ne laisse point dépérir notre duché en silence !

La Lorraine, pourtant amaigrie, garde la tête droite. Chaque transaction, chaque pot échangé, chaque écu versé, c’est une goutte de sang dans les veines d’un duché qui ne veut pas mourir. Et si le vent souffle fort sur les flambeaux de nos cités, nous savons ici, entre Meurthe et colline, allumer un feu qui résiste.

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Par Jehan l’Écu, chroniqueur du pays nancéien, la Gazette de Lorraine, pour l'AAP agence des Terres au Milieu

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