À Lisbonne (AAP) - Il y a un mois, la très exaltée Comtesse Rubya Athena de Coimbra brandissait un manifeste si enflammé qu’on aurait pu y faire rôtir un bœuf. Elle y jurait, la main sur l’honneur et l’autre sur le pommeau de l’épée, que « chaque conquête serait un clou de plus sur le sarcophage du règne de cendres » de la Couronne. Après un mois de guerre, le seul sarcophage en vue semble être celui où repose sa prophétie.

Au lever du premier soleil d’octobre, Coimbra régnait sur six cités. Un mois plus tard, elle n’en garde plus que quatre, un régime de décroissance qu’aucun herboriste n’oserait conseiller. Les troupes coimbriennes, promises « invincibles dans l’esprit », se révèlent surtout expertes dans l’art de reculer avec dignité. Les batailles victorieuses ? Aucune. Les conquêtes ? Nulle trace. Le plus beau butin obtenu jusqu’ici reste l’assurance que les discours voyagent plus vite que les armées. Dans les tavernes de Lisbonne, la fameuse phrase du “clou dans le sarcophage” provoque désormais des hoquets de rire. Certains affirment qu’il n’y a jamais eu autant de clous… mais tous servent à renforcer des palissades de fortune.

La Couronne, enhardie par la prise expéditive d’Alcobaça, s’est aussitôt lancée vers Leiria avec l’assurance d’un chevalier sûr de sa monture. Mauvaise idée : trois nuits durant, la route est devenue un abattoir, et l’armée de Vilacovense y a laissé plus d’hommes que de traces dans la poussière. Même la Reine Sofia y a récolté une blessure en bonne et due forme, preuve que les flèches ne respectent personne.

La capture de Guarda par les troupes de Dunlop a, un instant, permis à Lisbonne de bomber le torse. Mais à peine la bannière lisboète hissée, les alliés du nord - le contado de Porto - ont surgi, encerclant la ville et transformant le « glorieux conquérant » en hôte involontaire de sa propre victoire. Il paraît que Dunlop et ses hommes vivent désormais à l’économie : un siège, ça coupe l’appétit.

Face à l’enlisement, la Reine Sofia a dégainé son arme la plus solennelle : un Édit dans lequel elle convoque toute la noblesse à jurer loyauté dans les 72 heures. Las ! Seuls trente et un nobliaux se sont présentés dont beaucoup fraîchement anoblis, et la majorité issus du comté de Lisbonne. On a vu plus rassembleur. Mais le clou du spectacle - celui-là, au moins, existe - fut l’absence de : son propre époux, son propre fils et un duc dont la seule présence fait trembler les parquets du palais. Quand même la famille royale fait défaut, on peut craindre que le royaume ne tienne qu’à un fil… ou à un parchemin mal ficelé.

Bilan des courses : Coimbra s’enorgueillit de barrer la route à Lisbonne ; Lisbonne se félicite d’avoir grignoté Coimbra ; et dans les deux camps, on espère secrètement que l’hiver arrive vite pour pouvoir dire que le froid, et non les stratèges, est responsable des revers. Une guerre promise comme épique se transforme, au fil des jours, en comédie d’erreurs où l’on croise plus de scribes que de héros. C'est pas compliqué, on se croirait en Bretagne. Si cela continue, on ne saura pas qui remportera la victoire, mais on saura assurément qui aura perdu : la poésie martiale, piétinée entre deux palissades branlantes.

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Gaspard de la Goupille dit Gégé, pour l'AAP agence Meuse, Saône et Rhône.

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