Argonne (AAP) - Le 20 février dernier, un lieu-dit reculé de Lorraine du nom d’Épinal, 27 vosgiens, tombait aux mains de l'Hydre, une bande d'écorchés vifs tristement connue par le passé pour ses frasques criminelles et qui resurgit encore parfois, comme une mauvaise odeur par une forte pluie de printemps ou les yeux qui pleurent avec les premiers pollens.

Après avoir divagué sans logique apparente entre les bourgades du Duché, les vilains ont finalement fondu sur Épinal. Menés par le sieur Galovert, poète improbable d'origine franc-comtoise, au sinistre palmarès et aux propos notoirement incompréhensibles, ils ont forcé les portes de la mairie et dérobé avec violence le contenu des coffres de la ville. Deux milliers d'écus, un hiéroglyphe jaune, des miches et du lait, une bonne centaine de fagots et le fretin menu dans la nasse, on ne déplorait pas d'autres dégâts à part quelques actes de vandalisme sur le panneau d'affichage de la mairie. S'ils ont été aperçus le lendemain à Vaudemont, la mobilisation de la population semble avoir heureusement dissuadé les pillards d'une seconde tentative.

Cet infortuné épisode nous enseigne deux choses. La première, anecdotique, est que l'Hydre, compagnie moribonde maintes fois nominée dans les rubriques nécrologiques, persiste à exister en dépit du bon sens, le plus souvent en marge des grands événements du monde, telle une tique discrète sous l'aisselle amaigrie des provinces de France et d'Empire. Une éternité incompréhensible quand on sait que leur credo apocalyptique prône « l'écroulement du monde dans une grande gerbe de feu ». Un sort qui s'applique plus souvent à ses propres membres qu'à ses victimes. Pourtant, telle la vermine et l'herbe folle, la bête à multiples têtes convulse toujours et trouve encore de nouveaux candidats au suicide. La relève semble assurée.

La seconde chose que nous montre cette affaire, c'est le dessèchement sévère de ces petits trou du cul du monde, miséreux coprolithes des campagnes profondes. L'aisance avec laquelle une poignée d'écorcheurs s'est saisie d'une ville de l'Empire, pétant et rotant sans retenue aucune, témoigne de l'état de délabrement des marges négligées de l'Empereur. Une portion honorable de villageois courageux a tenté pourtant de tenir les remparts. Mais beaucoup de rien n'est pas grand chose et sans le nombre, la proportion n'est rien. Quand seize routiers pèsent un douzième de la population d'un Duché, le compte est bon et le Duc en carton-pâte.

Faut-il voir un signe des temps dans le long martyre de la Lorraine, abandonnée à elle-même et aux pestes par des Autorités occupées à s'ébaubir d'allégeances en se reniflant les croupions parfumés ? La Lorraine est devenue un hameau, ses routes mal entretenues encombrées de brigands qui seuls les fréquentent encore, ses mairies de 31 habitants, culbutées comme un loisir de scout en classe verte.

Mais n'accabler que l'Empire serait bien injuste quand les royaumes voisins partagent les mêmes afflictions et les mêmes parasites. Deux jours après Épinal, l'Hydre faisait péter le Champagne et s'emparait de la ville d'Argonne, 15 habitants. Un témoin du délit prétend que pendant que quelques brigands éméchés battus à la courte paille en taverne municipale devaient se charger de l'attaque, leurs compagnons préféraient couper du bois, par une insultante désinvolture. Puis, après avoir pris la ville et ouvert les coffres, les gredins, au lieu de les vider comme il se doit entre professionnels, les ont remplis d'une bonne part du forfait Lorrain avant de quitter les lieux.


Gros Schmutz pour l'AAP agence Meuse, Saône et Rhône

Pendant ce temps à Argonne
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