Genève (AAP) — Dans ce pays où l’on prétend juger au nom du peuple, deux hommes tombent, livrés aux rouages grinçants d’une justice d’apparat, inapte à se souvenir de ses propres sentences, cruelle dans l’exécution, oublieuse dans la forme. Deux hommes, deux silences, deux hontes.

Il s’appelle Reshev, et il ose parler. Pas pour flatter, ni séduire, mais pour ébranler. Dans une proclamation candide et ardente, il appelle à la désobéissance, non comme un brigand appelle à l’assaut, mais comme un homme libre réveille les endormis. « Le pouvoir n’est pas à prendre. Il est à dissoudre. » Proclamation de salon, réservée aux lecteurs des minutes. Autant dire aucun bruit, pour rien. Ces mots, jetés comme un pavé dans l’eau stagnante de la politique fribourgeoise, n’effraient pas l’Avoyer Sigmund_le_terrible qui, d’un ton sec, réclame cinq jours de prison, cent écus, et l’élimination civique du gêneur.

Le jugement tombe, lourd et prompt. Mais la plume du juge, elle, reste suspendue. Nulle inscription dans les greffes, comme l’exige pourtant l’article 13. Deux jours passent. Puis trois. Et avec ce silence administratif, la sentence s’effondre. L’homme purge sa peine, certes. Mais en droit, il n’a jamais été condamné. Un fantôme de procès. Une parodie de justice.

Plus au nord, à Grandson, un autre est jeté dans la fosse : Prag, dont on dit qu’il vole un chariot et pousse un homme dans un lac. L’accusation est simple, le témoignage unique, mais circonstancié. L’accusé, lui, ne dit rien. Pas un mot. Pas une défense. Il est là, muet, presque déjà coupable de n’avoir rien répondu. Et alors, la machine frappe. Trois jours de prison. Deux cents écus d’amende. Le tout expédié comme une affaire réglée dans l’arrière-boutique d’un bureau municipal. Mais ici encore, le greffier dort. Aucun dépôt du jugement sur la place publique. Aucun acte de mémoire. Et donc, selon la loi elle-même, nul verdict. Celui qui croit avoir trouvé justice n’a que l’illusion d’un droit.

Les deux affaires, si distinctes, convergent vers une même infamie : une justice sans rigueur, sans conscience, sans mémoire. Le bourreau, Aryala_de_limone, ne fait qu’obéir. Elle tranche au nom de deux cantons souverains, Fribourg et Grandson, sans s’assurer que le bras exécute bien la tête. Le glaive tombe, mais la loi ne le suit pas. Ici, la loi n’est plus le rempart du faible. Elle est l’écharpe d’un juge distrait, le sceau d’un maire taiseux, l’oubli d’un greffier indifférent.

Et pourtant, c’est au nom du peuple qu’on frappe, qu’on enferme, qu'on ruine. Ce peuple, on l’invoque sans jamais l’entendre. On le protège en l’ignorant. Qui élit une noix de coco fait confiance à son anus, dit-on.

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Jean-Aristote Kaiser pour l'AAP agence des terres au Milieu

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