Straßbourg (AAP) - Il n’est chose plus précieuse en ce monde que la puissance souveraine, laquelle est unie et absolue en un seul, comme l’âme en son corps.

Toute République qui prétend être parfaite doit reposer sur une puissance souveraine, c’est-à-dire celle qui ne reçoit loi d’aucun supérieur, mais la donne à tous ses sujets. Le vassal, si haut que soit son rang, n’est point en pleine possession de cette majesté souveraine, puisqu’il tient ses titres, non de Dieu directement, mais par l’intercession d’un seigneur plus haut, lequel le peut corriger, amender, voire destituer en cas de désobéissance manifeste ou d’infractions à l’ordre impérial.

Ainsi, les ducs, comtes et princes qui se disent vassaux de l’Empire Romain Germanique ne sont seigneurs qu’à demi, et leurs lois sont soumises à révision, leurs traités à approbation, leurs alliances à modération. Qu’y a-t-il là de souverain, je vous le demande ?

Il est certain, toutefois, que maintes seigneuries retirent lustre, crédit et avantage manifeste à se dire parties intégrantes du corps impérial. Car, en cette vaste communauté politique qu’est l’Empire, les membres sont liés non seulement par le droit, mais encore par la coutume, l’usage ancien et la reconnaissance réciproque des titres, dignités et prérogatives.

Ainsi, un comte d’Empire peut être reconnu comte sans opposition, ni contestation, dans toute autre province confédérée, tant est forte la présomption d’authenticité attachée à l’autorité impériale. Ce privilège confère à ses détenteurs une reconnaissance immédiate et universelle de leur noblesse, non seulement dans l’enceinte de l’Empire, mais aussi chez ses alliés et partenaires diplomatiques.

Et Dieu sait que cette légitimation, aisée et sans épreuve, est chose précieuse, surtout pour ceux qui, nés en maison récente ou sans grande fortune, aspirent néanmoins à jouir de la considération publique et des honneurs de leur rang.

Encore davantage, les lois de circulation, de commerce et de justice sont adoucies entre les fiefs impériaux, et l’on voit même certains condottieri, sous bannière impériale ou la sienne, jouir de libre passage là où tout autre eût été sommé d’étaler lettres de créance, ou de se soumettre à taxe et fouille.

À lire : De la licéité des protections militaires contre l’action judiciaire

Toutefois, cette faveur n’est point gratuite, et le prix qu’on en paie est celui de la liberté.

Voyez donc ce fait, qui se donne à l’examen du sage : le Duché de Savoie, en bonne foi, a signé traité d’amitié avec le Duché de Berry, souverain pour sa part. Et pourtant, ce traité, en toute sa teneur, est suspendu, gelé, et remis en main d’examen par la Chancellerie impériale, laquelle argüe d’un défaut de forme ou d’une non-conformité au droit impérial.

Et quoi donc ? Deux duchés, qui se connaissent, s’estiment, et ne souhaitent que paix durable et poisson frais sur les marchés de Savoie, se trouvent empêchés de conclure un accord, pour n’avoir pas suivi la lettre d’une loi procédurière ? Quelle ombre de souveraineté leur reste-t-il donc, si même la paix est chose qu’il faut demander ?

C’est que, disons-le sans fard, être vassal de l’Empire est devenu matière de mode, et presque de parade. Car les régnants s’y couvrent de titres pompeux, sonores, et chatoyants à l’oreille des cours. Et l’avantage est grand, en vérité : ces titres sont reconnus dans le comté voisin, dans le duché suivant, chez les alliés diplomatiques, ronflants et bien scellés, ils ouvrent les portes, forcent les révérences et donnent du lustre en toute province voisine et jusque dans les missives et registres où l’on aime nommer chacun selon tout son faste. Il suffit alors de se dire comte d’Empire, marquis reconnu ou prince impérial, pour qu’on vous traite avec égard, qu’on vous précède aux banquets, et qu’on vous reçoive à la tribune.

Ainsi, je conclus : que le vasselage impérial convient fort bien à qui désire briller, se faire valoir et asseoir son rang parmi ses pairs. Mais il sied mal à qui entend régner en majesté pleine, sans dépendre d’un sceau étranger. Car l’Empire, en vérité, donne de beaux noms, mais il les échange contre obéissance. Et s’il est utile d’en recevoir les ornements en temps de trouble ou de guerre, il est bien plus noble d’être souverain en temps de paix, maître de ses traités, de ses lois, et de sa volonté.

Car la République, pour être véritable, doit commander à elle seule, et ne reconnaître au-dessus d’elle nulle autre puissance, fût-elle vêtue d’or et d’apparat. L’Histoire, en son jugement, dira si les nobles de Savoie choisiront les titres polis et lustrés au delà de la brillance ou les poissons du Berry pour leurs tables.

À lire : De Nous, Annalisa De Luna De Curtis Crescenzi, dite _bossa, Impératrice Consort et Régente Impériale,
De Nous, Cyriella Von Balder de Vuillemenaud, dite Cyriella, Chancelière Impériale,
De Nous, Sigismondo Alessandro Dei Lante, dit Atum., Grand Conseiller Impérial et Vice-Chancelier de l’Empire,


Jean Bodin pour l'AAP agence des Terres au Milieu

Pour réclamer un droit de réponse - la KAP internationale